CONTRUCCI Jean


    Jean Contrucci est né le 7 juin 1939, licencié ès Lettres, il commence sa carrière journalistique en 1966. Il a effectué sa carrière de journaliste d’abord à feu à "Provence Magazine", puis grand reporter au "Provençal" jusqu’à son assassinat en 1997 et correspondant du "Monde" de 1974 à 1994.


Pourquoi écrire ? Est-ce que le fait d'être critique littéraire favorise ou non l'écriture ? N'y a-t-il pas une sorte de peur : étant critique, les autres critiques risquent d'être encore plus sévères envers moi ?

    Pour laisser une trace de mon passage. Sentiment puéril, mais réconfortant. Ce que j’ai écrit – bon ou mauvais - existe et me survivra. Il suffira qu’un seul lecteur de l’avenir ouvre un de mes livres pour que je ne sois pas mort tout à fait.

    Le fait d’être moi-même critique littéraire ne me gêne pas, sauf parfois en période de "création". J’ai peur de trouver chez les autres quelque chose à quoi j’aurais pensé et que je ne pourrais plus utiliser sans avoir l’air d’avoir copié sur le voisin. Sinon, ça me rend plutôt indulgent vis à vis des collègues Je sais la somme d’efforts que coûte un livre, même mauvais. Je m’interdis la "descente en flammes". Quant aux autres critiques, je ne risque rien. La profession est veule et courtisane. On me ménage ou on me flatte dans l’espoir d’un "retour d’ascenseur".

Votre premier roman, "La poisse" (adapté à la télévision sous le titre "Pris au piège", ce téléfilm avait eu un prix à Cognac) était un roman policier. Pourquoi du polar ?

    Si "La Poisse", mon premier roman, avait le forme d’un roman policier, c’est parce qu’à l’époque (1980) je n’avais pas le temps d’écrire, trop pris par le journal. Avec la trame serrée d’un polar, je pouvais écrire des petits bouts éparpillés, j’avais devant moi les rails que j’avais tracés, je ne me dispersais pas, le scénario était bouclé : conduire un innocent absolu que le lecteur connaissait comme tel vers la condamnation pour meurtre.

Avez-vous participé à l'adaptation ? Le téléfilm est-il fidèle au roman ? Est-ce vous qui avez contacté des producteurs, ou bien est-ce un producteur ou un metteur en scène qui vous a contacté ?

    Je n’ai pas participé à l’adaptation. C’est un autre métier que le mien. Le téléfilm est assez fidèle et surtout très bien fait (Michel Favart) et bien adapté par Pierre Moustiers. C’est ce dernier qui m’a demandé. La seule chose que j’ai eu à faire est de dire oui. Ils ont changé la fin, car on ne tue pas un commissaire-principal en prime time sur une chaîne publique. La seule chose qui me gêne, c’est que cette histoire, je l’ai entendue dans ma tête avec notre accent. Pour de sordides questions de sous, ils n’ont pas voulu venir tourner à Marseille. Ce qui fait que lorsque je revois ce film, j’ai l’impression de visionner une version doublée en francilien.

Avez-vous écrit autre chose que du "polar" ? Si oui, quoi ?

    Oui, j’ai écrit trois autres romans qui ne sont pas à proprement parler des polars : Comme un cheval fourbu, (84) Un jour, tu verras (87) et La cathédrale engloutie (91). Cependant, il y a toujours peu ou prou du suspense. Les personnages sont souvent « masqués ». Ils sont autres que ce qu’ils nous disent qu’ils sont. Parfois ils changent même d’identité. Je ne m’explique pas ça. Je ne l’ai réalisé qu’à posteriori.

Que préférez-vous écrire ? Polar ou non polar ?

    J’aime bien les deux. Ou plutôt le mélange des deux.

Avez-vous déjà recensé d'autres énigmes susceptibles de conduire à des romans du type de L’Enigme de La Blancarde ? Car si vous suivez le même postulat vous partez de cas non élucidés. Y en a-t-il beaucoup ?

    La « matière » comme vous dites, existe. Au besoin on l’importe d’autres périodes et on l’adapte. J’ai recensé plusieurs histoires qui pourraient convenir. Dans le second volume, par exemple, j’ai mélangé deux affaires qui ont eu lieu dans des endroits différents et n’avaient pas de rapport entre elles. Et puis, ce que je n’ai pas, je l’imagine.

J’aime bien cette ambiance de la Belle Epoque, parce que c’est celle des grands feuilletonistes que j’admire et envie (Ponson du Terrail, Gaston Leroux, Souvestres et Allain, Maurice Leblanc) et parce que la Belle Epoque marseillaise n’a pas encore été exploitée. Je défriche.

Parlons un peu roman policier. Le "polar" c'est quoi pour vous ?

    Le polar, pour moi, c’est un genre majeur, parce qu’on peut tout faire passer à travers une histoire policière : critique sociale, politique, économique et parce que les règles imposées par le genre vous obligent à la rigueur. On ne traîne pas en route. J’ai horreur des temps morts romanesques. Le tempo de l’histoire est mon obsession. J’ai toujours peur de m’emmerder en cours de route. Et d’emmerder les autres.

Quels sont vos auteurs de polars préférés ?

    En vrac et au hasard : Gaston Leroux, Dashiell Hammet, Chase, Simenon, Andrea Camilleri, Patricia Highsmith, Horace Mc Coy, Tony Hillerman, P.D. James, Ruth Rendell .

Avez-vous épuisé les faits divers Marseillais et est-ce que la chronique "Ca c'est passé à Marseille" sera reprise un jour dans La Provence ?

    La chronique Ça s’est passé à Marseille ne sera pas reprise dans La Provence. D’abord parce que je m’y opposerais, ensuite parce qu’on ne risque pas de me le demander

Quel genre de romans policiers préférez-vous ? Le roman noir ? Le suspens ? Le "polar" historique ? L'énigme classique ?

    J’aime tous les genres du polar. A condition qu’on sache m’embarquer, je marche. je suis très bon public, quand c’est bien fait. Je déplore que trop de médiocres culottés – s’engouffrant dans une mode temporaire comme toutes les modes - occupent trop de place dans un genre qui demande outre le talent, une discipline d’enfer.

Envisagez-vous d'écrire des "polars" inspirés de faits plus récents ?

    Je n’envisage pas pour l’instant d’écrire sur des faits divers plus récents, car la plupart ont été déjà exploités.

Comment écrivez-vous ? Etablissez-vous un plan précis que vous suivez fidèlement, ou bien démarrez-vous avec une idée plus ou moins précise et ensuite vous découvrez les péripéties au fur et à mesure ?

    Je démarre avec une vague idée. Parce que si je sais trop où je vais, ça me fige. J’adore me faire des surprises en cours de route.

Et jamais de panne ? Ca m'épate un peu ces auteurs capables de pondre des pages et des pages, comme G.J. Arnaud... Je me souviens avoir entendu F. Dard dire que tous les matins il se mettait à sa machine et écrivait jusqu'à midi. Ou Pierre Magnan qui travaillait jusqu'à 5 h. comme un fonctionnaire ! Alors que, naïvement, je croyais que tout dépendait de l'inspiration, tel jour 1 page, tel jour rien, tel jour c'est la forme : 10 pages, etc.

    C'est un métier d'artisan. Il faut être sur l'établi et ça finit par venir. Le journalisme m'a été d'un grand secours, où il faut pondre son texte, même si on n'en a pas envie pour telle heure et avec tant de lignes. Qu'on ait mal à la tête, que bobonne vienne de vous plaquer pour un maître-nageur, ou que les pieds et paquets de midi ne passent pas bien.

    C'est bon, moins bon, ou franchement mauvais, mais je n'ai jamais connu la panne. Je crois que c'est un mot inconnu dans le journalisme de quotidien. Et ça aide quand on passe aux choses sérieuses. Dard était un ancien journaliste. Quant à Magnan, c'est un paysan sur son araire.

    Reste le cas G.J. Arnaud. A mon avis, lui, il possède une fonction endocrine supplémentaire


Questionnaire de "Proust" :

Quel est votre principal trait de caractère ? La loyauté

La qualité que vous préférez chez un homme? La loyauté

Et chez une femme? La loyauté

Ce que vous appréciez le plus chez vos amis? La loyauté

Votre principal défaut? Je manque de confiance en moi

Votre occupation préférée? Ecouter de la musique

Votre rêve de bonheur? Ecouter de la musique

Votre plus grande peur? Ne plus pouvoir écouter de la musique

Ce que vous voudriez être? N’importe qui en l’an 3000

Où aimeriez-vous vivre ? A Marseille sans certains Marseillais

La couleur que vous aimez? Le violet archevêque

Vos auteurs favoris en prose? Flaubert, André Suarès, Boris Vian

Vos poètes préférés? Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, René Char

Vos héros / héroïnes dans la fiction? Frédéric Moreau (L’éducation sentimentale), Le grand Meaulnes, Tristan, Cosette

Mes héros / héroïnes dans la vie réelle? Depuis qu’enfant j’ai appris que Mermoz, que j’idolâtrais, était Croix-de-feu, je n’ai plus confiance dans les héros.

Et votre livre de chevet, si vous en avez un? J’ai un livre de chevet nouveau par soir.

Vos compositeurs classiques préférés? Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Wagner, Fauré, Mahler, Strauss (Richard)

Et vos compositeurs contemporains préférés? Ravel, Bartok, Stravinski, Martinu, Chostakovitch

La chanson que vous sifflez sous votre douche? La musique maçonnique funèbre K 477 de W.A. Mozart.

Les prénoms que vous préférez? Elsa

Vos peintres favoris? Bosch, Goya, Van Gogh, Marquet, Gauguin, Modigliani, Caillebotte, Matisse

Votre film culte? Casablanca (Michael Curtiz) et dans un autre genre Chantons sous la pluie de Stanley Donen

Votre actrice préférée? Yvonne de Carlo (L’esclave libre de Raoul Walsh) C’est grâce à elle qu’aux confins flous de l’adolescence j’ai opté carrément pour l’hétérosexualité.

Votre boisson préférée? Le pure malt de 12 ans d’âge. ( si possible de 18 ).

Que détestez-vous par-dessus tout? Le sans–gêne.

Quel personnage historique détestez-vous le plus? Napoléon.

La réforme historique que vous admirez le plus? L’abolition de la peine de mort.

Vos héros dans la vie réelle? Alexandre-Marius Jacob, (1879-1952) anarchiste né à Marseille, qui ne s’attaquait qu’aux nantis et rétrocédait une partie de ses rapines aux indigents. Il a inspiré le personnage d’Arsène Lupin.

Si vous deviez changer un aspect de votre apparence physique, lequel choisiriez-vous? Le temps s’en est chargé.

Votre plus grand regret? N’avoir pas été chef d’orchestre.

Les fautes qui vous inspirent le plus d'indulgence? Les fausses notes.

Comment aimeriez-vous mourir? En écoutant le prélude du 3ème acte de Tristan et Iseult de Richard Wagner.


Bibliographie