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Les mystères de Marseille


"Les mystères de Marseille" fait partie des romans de jeunesse d'Emile Zola, sa conception datant d'avant le cycle romanesque en vingt volumes des Rougon-Macquart. En 1867, après le succès très mitigé de ses premiers écrits ( "contes à Ninon", "Confessions de Claude", "Le Voeu d'une morte") Zola a entrepris un roman qu'il considère comme sérieux : "Thérèse Raquin". En mal d'argent pour le finir, il se résigne à accepter une commande de roman-feuilleton pour un journal de Marseille :le "Messager de Provence". Monsieur Léopold Arnaud, qui en est le propriétaire, lui fournit la matière au travers de documents judiciaires réels tirés de récents procès criminels qui ont remué le Midi. L'idée est de reprendre le principe des "Mystères de Paris" d'Eugène Sue qui, entre 1842 et 1843, a tenu en haleine tout Paris, des classes ouvrières jusqu'à la Cour. Payé deux sous la ligne, une fort belle somme, "les Mystères de Marseille" est brossé au jour le jour, tous les après-midi, les matinées étant consacrées à la rédaction de 3 ou 4 pages de "Thérèse Raquin".

Dans ce "duel social", titre de la seconde édition de l'ouvrage lorsqu'il reparu dans le "Corsaire" de M. Édouard Portalis quelques années plus tard, Zola fait vibrer à son tour le tout Marseille aux amours tragiques de Philippe Cayol, plébéien républicain, et Blanche de Cazalis, riche fille d'un aristocrate tout-puissant. Cher à son attitude engagée, il relate ici l'affrontement de classes sociales sur fond de tripotages financiers et de révolution de 1848. Cet affrontement atteindra son paroxysme lors d'une émouvante et sanglante émeute ouvrière, qui n'est pas sans rappeler celle qui sera décrite plus tard dans "Germinal". C'est également une véritable galerie de portraits, mettant en scène une Marseille du négoce, de la finance et du jeu qui est offerte au lecteur. De Marseille à Aix, Marius Cayol, le candide frère du séducteur coupable, aidé par la belle et maligne Fine, affrontera tour à tour, notaires et banquiers véreux, dames de petite vertus, usuriers, joueurs, parvenus, prêtres ambitieux, aventuriers politiques et toutes sortes de cliques et coalitions d'intérêt qui font et défont les fortunes marseillaises.

Loin de la simple œuvre alimentaire, c'est bien un roman de Zola à part entière qui est délivré au lecteur du "Messager". Un "roman historique contemporain" selon sa propre expression. S'il n'a pas encore la maturité et la plénitude d'un "Germinal", il s'agit déjà un excellent livre.

Sitôt paru, le roman fut également en collaboration avec Marius Roux l'objet d'une pièce qui marcha assez bien et dont les principaux interprètes furent Pujol, Péricaud, et mademoiselle Méa.

Pour la petite histoire, notons que le directeur du "Messager de Provence", Léopold Arnaud, offrira à Zola, durant la période de troubles qui agitèrent la capitale, de lancer à Marseille un petit journal à un sou. Le journal parut effectivement, tiré d'emblée à dix mille exemplaires, et s'appela "la Marseillaise".