Méditerranée : de Courbet à Matisse


    Dans les premières décennies du XXe siècle, la côte méditerranéenne est surtout un lieu de villégiature sanitaire et huppé où malades et personnalités mondaines passent l'hiver.  Mais, vers le milieu du siècle, le développement rapide des voies de chemin de fer rend beaucoup plus aisé l'accès au Midi pour les gens habitant le nord de la France (le train Paris-Lyon-Marseille (P.L.M.) atteint Marseille en 1856 et Nice en 1864). Les années 1920 marquent un nouveau tournant et, pour la première fois, les hôtels de la côte ouvrent leurs portes l'été. Le catalogue couvre cette période intermédiaire, entre 1850 et 1925, au cours de laquelle de très nombreux écrivains et artistes séjournent, plus ou moins longtemps, au bord de la Méditerranée. Ce sont d'abord des écrivains qui, les premiers, vont promouvoir la beauté de la côte provençale et parler enfin de la mer : George Sand, installée en 1861 près de Toulon, Juliette Adam, Hippolyte Taine… En même temps que la mer apparaît dans la littérature du milieu du siècle, les peintres commencent à renoncer au traditionnel séjour en Italie, ainsi qu'au voyage vers l'Orient pittoresque ; à leur tour, ils vont descendre vers le sud. Cette fascination des artistes pour la Méditerranée ne relève plus alors de l'orientalisme ou d'un goût pour l'exotisme, l'antique ou le pittoresque. La lumière et les couleurs de la côte méditerranéenne sont désormais une école de liberté, de délectation sensuelle et picturale : luxe, calme et volupté, pour citer le vers de Baudelaire dont Matisse fera le titre de l'un de ses chefs-d'œuvre.

    Le catalogue mène de Courbet peignant à Palavas une sorte de Bonjour, la Méditerranée ! aux célèbres fenêtres ouvertes de Matisse et de Bonnard, en passant par les hymnes au mistral de Monet, les scintillements de Cross et de Signac, les nouvelles mythologies de Puvis de Chavannes et de Picasso, et par les peintres fauves travaillant à Collioure (Matisse, Derain) ou, sur les traces de Cézanne, à L'Estaque (Braque, Derain). Il retrace ainsi la fascination que la côte méditerranéenne -comprise entre la Catalogne et le golfe de Gênes- a exercée sur les peintres de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle, et singulièrement sur des peintres nés dans le nord de la France ou de l'Europe.

    Ce catalogue accompagnait l'exposition qui s'est tenue aux Galeries nationales du Grand Palais du 19 septembre 2000 au 22 janvier 2001.


Gros plan sur la saison 2000-2001 du musée du Grand Palais, à Paris.

de Karine Berthier (Journaliste)

Les galeries nationales du Grand Palais nous gâtent, avec deux expositions faisant la part belle à l'impressionnisme et au post-impressionnisme. Jusqu'au 15 janvier 2001, il sera encore temps d'admirer celle consacrée à « la Méditerranée, de Courbet à Matisse ». C'est elle, des côtes espagnoles au littoral italien en passant par la Côte d'Azur encore vierge, qui, de la seconde moitié du XIXe siècle au tournant du XXe, a fasciné les plus grands peintres européens.

Des tableaux étourdissants des impressionnistes Renoir ou Monet à la vision brute et noble du jeune Picasso, en passant par les explosions de couleurs des toiles de Bonnard, Derain, Braque ou Matisse, l'exposition montre comment l'œuvre et la palette de ces peintres ont été marquées, révélées, voire bouleversées par la rencontre avec la lumière, les couleurs et les paysages spectaculaires de la Méditerranée (« C'est de la féérie ! », s'extasiait Monet).

En 1854, le peintre réaliste français Courbet ouvrit la voie à cette redécouverte d'une Méditerranée rendue à ses couleurs naturelles et débarrassée de son imagerie antique et mythologique traditionnelle encore en vogue au milieu du XIXe siècle chez les romantiques.

Signac fut l'un de ces peintres éblouis par la Méditerranée et une exposition (jusqu'au 28 mai 2001) lui est entièrement dédiée à partir du mois de mars. On sait que Paul Signac est l'un des représentants du mouvement pointilliste, qu'il fut très ami avec Seurat, le théoricien du néo-impressionnisme. Mais on sait moins sa passion de la mer et des voyages, et son œuvre, mal connue du grand public, méritait depuis longtemps une rétrospective. Avec des toiles venues du monde entier, l'exposition s'attachera à montrer les différentes facettes de son art.

La baie de Cassis,

 de Paul Signac (1889).


    Il existe un mythe moderne de la côte méditerranéenne, dont les origines remontent au XIXème siècle, qui a vu la naissance du tourisme et l'apparition des stations balnéaires.

    Mais ce mythe se réduit souvent à une imagerie faite de clichés qui cachent ou font oublier le rôle essentiel que cette région, comprise ici entre la Catalogne et la Ligurie, a joué à un moment décisif de l'histoire de la peinture européenne.

    L'exposition qui s'est tenue aux Galeries nationales du Grand Palais jusqu'au 15 janvier 2001 s'attache à faire comprendre ce que les artistes vinrent chercher à Antibes, Bordighera, Cadaquès, Cagnes, Collioure, L'Estaque ou Saint-Tropez, et comment, à travers leurs personnalités diverses, ils perçurent des paysages maritimes qui, jusque-là, n'avaient pas été peints.

    Ce fil conducteur mène de Courbet, avec un tableau qui est une sorte de Bonjour la Méditerranée, aux fenêtres ouvertes sur la lumière de Matisse ou de Bonnard, en passant par les hymnes au mistral de Monet, les pétillements organisés de Cross ou Signac, les mythologies modernités, de Puvis de Chavannes à Picasso, et le fauvisme flamboyant de Derain, Braque, et Matisse.

    Quatre-vingt dix tableaux de très grande qualité, en provenance de collections particulières et de musées du monde entier mettent en évidence la fascination que la côte méditerranéenne a exercé sur ces peintres, surtout ceux nés dans le nord de la France et l'Europe.

    La lumière et les couleurs de la Méditerranée sont désormais une école de liberté, de délectation sensuelle et picturale.