De Philippe Gardy

     Jean de Cabanes (Aix-en-Provence, 1654-1717), malgré l’importance de son œuvre, demeure un écrivain méconnu. A l’exception d’un long poème narratif, l’Histourien sincere, publié au XIX^e siècle, ses manuscrits sont restés à peu près totalement inédits jusqu’à aujourd’hui. Cabanes, comme Jean-Baptiste Fabre, l’auteur de l’Histoire de Jean-l’ont-pris, paraît avoir réservé son œuvre à la lecture entre amis, peut-être parce qu’il redoutait les réaction que ne manquerait pas de susciter certaines évocations très libre de la société aixoise de temps.

    Cette œuvre méritait pourtant largement d’être sortie de l’ombre : elle témoigne d’une volonté d’écriture de haute ambition, qui cherche à installer l’occitan sur les terrains les plus divers. Héritier de la tradition carnavalesque d’Aix, homme de grande culture soucieux de modernité, Jean de Cabanes recueille et remodèle la parole populaire (avec ses Prouverbis et santanços prouvençalos et ses Enigmos), déroule la chronique scandaleuse de son époque (Satiro contre la sœur de la Croix), met en scène les travers et les obsessions de ses contemporains (il nous a laissé cinq grandes comédies en cinq actes). Mais c’est peut-être dans ses proses (Paraulos et fat notables, eitant seirous coumo plezants) et plus encore dans ses Contes en vers prouvençaus qu’il donne la pleine mesure de son talent : à l’école de ses grands devanciers, Bocace, l’Arioste, Machiavel ou Marguerite de Navarre, il y fait montre d’une étonnante virtuosité. Tour à tour graves, souriants, teintés d’érotisme débridé ou d’esprit critique très libre, les Contes de Cabanes révèlent un écrivain véritable, digne d’être lu et apprécié.

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